Qui est carbone neutre dans le secteur touristique québécois ?
Julianna Priskin 12 06 2009
Durant leur séjour au Québec, les touristes locaux et étrangers émettent des gaz à effet de serre (GES), peu importe le moyen de transport qu’ils utilisent, la distance qu’ils parcourent ou l’activité qu’ils choisissent. Jusqu’à maintenant, aucune étude n’a permis d’évaluer les contributions de ces voyageurs ou du secteur touristique aux émissions de GES, ni les mesures d’atténuation prises au Québec, ni les comportements s’y rattachant. Les connaissances sont donc insuffisantes en matière de réductions nettes et de compensation des émissions de GES. Le but de cet article est de donner un bref aperçu de la carboneutralité dans le secteur touristique québécois.
(1) Planetair est un organisme à but non lucratif, toute comme le Centre international Unisféra qui le dirige(2). Planetair est le distributeur exclusif de Myclimate, qui est l’un des fournisseurs de crédits compensatoires les plus respectés au monde parce que ses projets se conforment au Mécanisme de développement propre (MDP*) du protocole de Kyoto et au «Gold Standard**». Il n’appuie que les projets portant sur l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique dans différents pays en voie de développement. Planetair prévoit offrir des projets canadiens selon les volumes de ventes.
(2) Carbone boréal (CB) est à la fois un programme et un projet de recherche de l’Université du Québec à Chicoutimi. Les crédits de CB servent à financer la plantation d’arbres sur des terrains déboisés du Québec et à soutenir la recherche. Les plantations sont vérifiées et dirigées selon la norme ISO 14064-3, et tout projet sera enregistré dans le Registre GES des ÉcoProjetsMD canadien (3).
(3) ZéroGES (ZeroGHG Inc.) est une société de conseil privée qui fournit des crédits dans le cadre de divers projets sur l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique. Ses services portent sur l’élaboration de stratégies de réduction des GES, la quantification des émissions et la vérification du rendement. Les projets ZéroGES se déroulent dans différents pays, et au moins 80 % d’entre eux doivent se conformer au MDP* et au «Gold Standard**» (4).
(4) ZÉRØCO2 est une entreprise privée qui vend des crédits compensatoires pour financer des projets de reboisement dans différentes communautés. Depuis 2006, ZÉRØCO2 a permis de reboiser plus de 20 hectares de terrains, créant ainsi des espaces verts équivalant en superficie à un peu plus de 40 terrains de football en plein cœur des collectivités (5).
Fournisseurs indirects de crédits compensatoires
Certaines entreprises touristiques se sont associées avec différents fournisseurs de compensations. Par exemple, depuis 2007, Air Canada (AC) incite ses clients à acheter des crédits de carbone par le biais de l’organisme à but non lucratif ZeroFootprint, qui investit dans un projet de reboisement en Colombie-Britannique. Jusqu’à maintenant, les clients d’AC ont acheté pour 187 612$ de crédits, ce qui correspond à 11 725 tonnes de CO2 (6). Pour sa part, Air Transat ne vend pas de crédits; elle invoque différentes raisons, dont le fait que ces projets ne permettent pas de résoudre les problèmes se rattachant aux changements climatiques (7).
En ce qui concerne le transport ferroviaire, VIA Rail n’offre pas non plus de crédits à ses clients; elle les encourage plutôt à calculer la quantité de GES émis durant leur voyage sur le site d’Arbres Canada, un fournisseur de compensations d’Ottawa, en vue de les neutraliser. Depuis 1990, VIA Rail a réduit ses émissions de GES d’environ 15%, bien qu’elle ne soit responsable que de 0,03% des émissions totales. Par comparaison, 13% des GES émis au Canada proviennent des automobilistes (8). Pour les voyageurs qui louent des véhicules, de nombreuses entreprises de location, dont Alamo, Enterprise et National, offrent des crédits intégrés à leur formulaire de réservation en ligne (9).
Certains établissements hôteliers ont des politiques de carboneutralité. Par exemple, l’Hôtel Chicoutimi atténue sa consommation d’énergie de chauffage et d’électricité et incite sa clientèle à compenser les GES émis pendant son séjour par le biais de Carbone boréal (3). Depuis 2006, l’Hôtel des Seigneurs à Saint-Hyacinthe offre des forfaits «écolos» à ses clients et, en 2008, il s’est engagé à calculer la quantité de GES que ceux-ci émettent durant leurs déplacements, entre autres services écoresponsables (10). De plus, les émissions de GES des réunions et des événements ayant lieu dans cet établissement sont compensées par la plantation d’arbres. Parallèlement, dans un effort de carboneutralité, le Novotel Montréal plante des arbres pour chacune des réservations effectuées en ligne par ses clients (11).
Le voyagiste montréalais, Karavaniers du monde, prend l’atténuation des changements climatiques au sérieux; depuis janvier 2009, ses prix incluent le coût des crédits de carbone achetés auprès de Planetair (2, 12). Environ 97% des clients de cette entreprise sont québécois et, selon son propriétaire, ils ne se plaignent pas de l’augmentation des prix attribuable à l’achat de crédits compensatoires. Au contraire, les clients sont satisfaits des efforts déployés par l’entreprise en ce sens. Omnitour et Voyages Tour Étudiant offrent également des crédits compensatoires à leur clientèle(2). Au Saguenay, WeLa Aventure organise depuis 2006 des randonnées écoresponsables à pied ou à vélo (13). Elle a compensé les émissions de CO2 des déplacements de ses clients en soutenant la plantation d’arbres par ZIP Saguenay (14) et la Coop Quatre Temps (15).
De plus en plus, les festivals et les événements du Québec sont écoresponsables, et certains ont compensé leurs émissions de GES (16). Par exemple, depuis 2008, le Festival International de Jazz de Montréal est carboneutre (17). Les centres des congrès de Québec et de Montréal offrent à leurs clients des événements écoresponsables avec leurs partenaires (18, 19), ainsi que l’option d’acheter des crédits de carbone pour ces événements. Par exemple, en 2004, le Centre des congrès de Québec s’est engagé à réduire sa consommation d’énergie de 33% par m2 et ses émissions de GES totales de 50% (20). Depuis 2007, il a accueilli 32 événements écoresponsables dont 7 comprenaient des crédits compensatoires.
La politique de développement durable du Parc Jean-Drapeau (PJD) de Montréal intègre la réduction de GES et une stratégie de compensation pour les opérations et autres activités (environ 100 événements par an) organisées sur le territoire du parc (21). Le PJD a créé un Fonds Oxygène pour mettre en application cette politique. Les partenaires et fournisseurs seront invités à contribuer à ce fonds, qui financera les projets spécifiques d’amélioration environnementale (22). En plus, les automobilistes devront payer des frais supplémentaire de 1$ pour garer leur véhicule dans les stationnements du parc afin de compenser leurs émissions de GES avec CB.
Ce résumé de la situation au Québec montre que la carboneutralité au sein du secteur touristique se compose d’efforts disparates. Cette analyse souligne également le besoin de mesurer les contributions nettes aux GES du secteur touristique afin de coordonner le processus permettant de se doter d’une méthode efficace d’atténuation de ces contributions.
* MDP certifie les réductions des émissions qui sont vendues sur le marché volontaire et il s’assure que les crédits de carbone de pays développés sont conformes aux règlements du protocole de Kyoto.** Le «Gold Standard» est une organisation indépendante qui certifie des crédits de carbone vendus sur le marché volontaire. De tels crédits de carbone doivent répondre à des objectifs de développement durable. Cela signifie qu’un projet de carbone doit mener directement à une réduction des émissions du filet GES. Gold Standard ne certifie pas des projets de sylviculture.
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