vendredi 17 décembre 2010
Planter des arbres pour polluer tranquille, la fausse bonne idée
chargé de campagne "forêt" - Les Amis de la Terre 12/12/2010
A Cancùn, si les négociations sont sorties de l'impasse, c'est au prix de nombreux sacrifices. Les pays riches refusent de réduire leur pollution ? Pas grave, ils pourront la compenser. Mais acheter le droit de polluer si l'on plante ou sauve des forêts est une fausse bonne idée. Voici pourquoi.
En grandissant, un arbre absorbe du dioxyde de carbone, l'un des principaux gaz à effet de serre. C'est pour ça que les entreprises l'adorent : il permet de continuer à polluer tranquillement en « compensant ».
Le système REDD+, en discussion à Cancún, propose de créer des crédits carbone accordés à ceux qui luttent contre la déforestation et plantent des arbres.
1 - Un écran de fumée
Tant que le carbone est stocké sous forme de roche (charbon) ou de liquide (pétrole) dans le sous-sol, il est inerte d'un point de vue climatique. C'est sa libération dans l'atmosphère au moment de la combustion qui est problématique car elle n'est pas réversible : il faudrait des millions d'années pour recréer du charbon ou du pétrole à partir de la décomposition des végétaux (d'où le terme d'énergies fossiles).
Le piège de la compensation carbone, c'est de nous faire croire l'inverse. Il suffirait que les arbres absorbent le carbone émis lors de la combustion du pétrole pour le neutraliser. Mais un arbre n'a une durée de vie que de quelques dizaines ou centaines d'années. Quand l'arbre sera incendié ou que le bois sera décomposé, le carbone stocké sera émis à nouveau dans l'atmosphère. D'un point de vue climatique, l'intérêt est donc quasiment nul.
L'urgence est-elle de regarder pousser des arbres ou de fermer le robinet à pétrole ? Devinez…
2 - Paie-moi ou je rase tout
Ces considérations n'empêchent pas les négociateurs de continuer à confondre compensation et réduction. Mieux, il est désormais question de créer un mécanisme encore plus complexe : la « déforestation évitée » ou, dans le jargon des négociations, « REDD » (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts).
L'ère du chantage écologique est officiellement ouverte : plus vous menacez de sortir les tronçonneuses, plus vous pourrez vendre de crédit carbone si finalement, vous vous engagez à éviter le massacre. Des consultants comme McKinsey ou ONF International se livrent une concurrence acharnée pour aider les pays du Sud à établir des scenarii de déforestation catastrophe.
Le Guyana, qui a aujourd'hui un taux de déforestation quasiment nul, brandit à la tribune des Nations unies une étude montrant qu'il est prêt à raser la quasi-totalité de sa forêt dans les vingt-cinq prochaines années… sauf, bien sûr, si on le paye en achetant ses crédits carbone « déforestation évitée ».
Pour faire accepter ce nouveau mécanisme à l'Inde et à la Chine, qui ne possèdent plus beaucoup de forêt mais plantent massivement, même les monocultures d'arbres à croissance rapide sont éligibles. Mais, à vouloir faire plaisir à tout le monde, le résultat est désastreux : on risque de voir disparaître les forêts naturelles au profit de ces monocultures.
L'Indonésie est en train de magouiller les chiffres et les définitions pour que ses immenses champs de palmiers à huile, plantés à la place de forêts, puissent recevoir des crédits carbone.
3 - Les plus gros pollueurs s'achètent une conscience
Afin d'éviter que les entreprises et les pays développés « compensent » leurs émissions en achetant une parcelle d'arbres ou une promesse de non-déforestation, certains proposent que la compensation carbone soit uniquement volontaire et vienne s'ajouter aux efforts obligatoires de réduction. WWF et GoodPlanet, la fondation de Yann Arthus-Bertrand, proposent à Air France de compenser volontairement ses émissions en finançant un programme de lutte contre la déforestation à Madagascar.
Mais comme on le sait, une entreprise ne fait jamais rien gratuitement (ou très rarement), donc cette compensation volontaire risque de laisser penser qu'il n'y a pas besoin d'une règlementation contraignante.
On voit ainsi, aux Etats-Unis, des entreprises comme General Motors ou American Electrical Power, publiquement opposées à la ratification du protocole de Kyoto par leur pays, se lancer dans un vaste programme d'achat de forêt au Brésil pour compenser leurs émissions. Pas besoin de loi, laissez faire l'autorégulation.
4 - La double peine pour les plus pauvres
Les plus pauvres risquent de subir de plein fouet les changements climatiques et de voir leurs droits restreints par une nouvelle forme de colonialisme climatique. Quand General Motors achète des forêts au Brésil, les populations locales n'ont plus le droit d'y mettre les pieds. Un villageois qui a essayé de couper du bois pour réparer sa maison a passé onze jours en prison.
En Ouganda, autour du Mount Elgon, un groupement d'entreprises énergétiques des Pays-Bas a expulsé des paysans pour planter des arbres à croissance rapide capable de stocker du carbone. Des exemples d'expulsion liée à ce nouveau business du carbone comme ceux-là, on en a recensés plein dans notre rapport « REDD : les réalités noir sur blanc ».
5 - Les plus riches se frottent les mains
Les vautours planent au-dessus de ce nouveau marché. Interpol a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme sur le site Planetark.org :
« Les syndicats du crime organisé surveillent de très près l'émergence des crédits carbone forestiers et y voient une opportunité potentielle de fraude très lucrative. »
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, des villageois ont rapporté avoir été menacés par des personnes armées pour signer des documents cédant leurs droits sur leurs forêts, selon une télé australienne.
Au Liberia, les responsables d'une entreprise anglaise, Carbon Harvesting Corporation, ont été interpellés par la police pour tentative de corruption en vue d'obtenir des crédits carbone frauduleux.
Enfin, flairant le bon filon, les banques sont en train de se ruer sur la finance carbone et de créer de nouveaux placements : BNP a, par exemple, investi dans un projet de réduction de la déforestation au Kenya. Après la crise des crédits subprimes toxiques, la crise des crédits carbone bidons ?
vendredi 3 décembre 2010
Cancun : les Amis de la Terre dénoncent la compensation carbone
Après l'échec du sommet de Copenhague, les Amis de la Terre considèrent que les pays développés doivent sortir les négociations de l'impasse en reconnaissant leur responsabilité historique dans les changements climatiques et prendre les mesures structurelles nécessaires : réduire de façon drastique les émissions de gaz à effet de serre, avec un objectif de moins 40 % d'ici 2020 pour l'Europe ; renoncer aux mécanismes de compensation carbone, inefficaces et injustes, qui ont pour seul objet de masquer le manque de réduction des émissions dans les pays développés.
L'association souligne qu'en particulier, il y a un risque important que le mécanisme REDD (*) entre dans les marchés du carbone. Ceci conduirait les pays développés à privatiser des forêts dans les pays du Sud pour acheter des droits à polluer. Les mécanismes de compensation REDD priveraient les populations locales vivant des forêts de leurs droits et éviteraient aux pays industrialisés de prendre les mesures pour réaliser les réductions d'émissions domestiques indispensables.
Explications...
Rappelons que les mécanismes de compensation visent à créer dans les pays développés des droits à polluer en investissant dans des pays en développement. Le principe de la création de droits à polluer est le suivant : pourquoi n'aurais-je pas de droits supplémentaires à polluer chez moi, dans la mesure où je ferais des investissements pour réduire des émissions dans un pays où le marché du carbone n'existe pas. Par exemple, j'investis dans un barrage en Inde, j'évite là bas l'émission de 10 millions de tonnes d'émissions de CO2 par an, je récupère autant de droits à émettre chez moi. Il existe deux mécanismes de ce type dans le Protocle de Kyoto, on les appelles les mécanismes de flexibilité. Toutes les explications dans notre article sur le marché du carbone.
Et infidélité conjugale...
Les mécanismes de compensation sont remis en cause par nombre d'associations de protection de l'environnement qui y voient une excuse des pays développés pour ne pas diminuer leurs propres émissions. Les défenseurs de la compensation carbone défendent de leur côtés, que le système permet de réduire les émissions de CO2 au moindre coût pour la société. Pour expliquer la compensation le site Internet CheatNeutral transpose avec humour les mécanismes de la compensation à l'infidélité conjugale...
jeudi 18 novembre 2010
Un voyagiste britannique renonce au système de compensation des émissions de carbone
Voilà qui ne surprendra peut-être pas grand monde: la compensation volontaire du gaz carbonique émis quand on voyage ne sert pas à grand chose, en tous cas pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le constat est d’autant plus parlant qu’il est signé du britannique Responsible Travel, un des premiers voyagistes à avoir proposé à ses clients, dès 2002, de compenser leurs vacances, sur la base d’un montant calculé en fonction du poids en carbone de chaque voyage. Histoire d’enfoncer le clou et d’être cohérent, Responsible Travel a donc abandonné ce mécanisme. L’entreprise propose à ses clients de moins utiliser l’avion et leur demande de voyager plus près, en utilisant le train dans la mesure du possible.
Les mécanismes de compensation carbone étaient perçus par de nombreuses organisations écologistes comme un outil qui permettait aux consommateurs de toujours plus recourir à l’avion, en se donnant bonne conscience. L’argent récolté étant —en principe— investi dans des projets de production d’énergies nouvelles dans les pays en développement. Pour les responsables du voyagiste britannique, la « compensation carbone » ne permet pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pire, selon RT, son existence même empêche les consommateurs de modifier leur mode de vie.
On pourrait ajouter aussi que les Etats disposent d’un formidable outil qui serait bien plus efficace pour inciter le consommateur à moins prendre l’avion: car le kérosène échappe encore à toute taxe: pas de TVA, de TIPP et autre taxe carbone. rien, zéro prélèvement. En dépit de quelques timides tentatives de l’UE de changer cette situation, les Etats-Unis se refusent même d’engager la discussion. La seule taxe (hormis le prélèvement fait par les aéroports) est la fameuse « taxe de solidarité sida » récoltée par une poignée de pays et qui, si j’ai bien compris, rapporte des clopinettes… (1)
Il y a deux ans, Borloo avait reconnu publiquement que le maintien de vols intérieurs Paris-Lyon ou Paris-Marseille est une absurdité, à l’ère du TGV. Et pourtant, les avions décollent toujours!
(1) Selon UNITAID, qui récolte cette petite manne, seuls huit pays ont adopté le système de taxe sur les billets d’avions proposé par Chirac: Chili, Côte d’Ivoire,RDC, France, Madagascar, Maurice, Niger et Corée du sud.
vendredi 12 novembre 2010
Polémique sur les crédits-carbone chinois
La Chine est une nouvelle fois pointée du doigt pour avoir détourné le mécanisme des crédits carbone mis en place par l'ONU dans le cadre du protocole de Kyoto. Plusieurs sociétés chinoises font actuellement l'objet d'une enquête. Une affaire qui tombe mal à un mois du sommet de Cancun.
Dix entreprises asiatiques font actuellement l’objet d’une enquête. Elles sont soupçonnées d’avoir détourné à leur profit le mécanisme des crédits carbone.
C’est l’ONG allemande CDM Watch qui avait révélé la première ce scandale en juillet dernier. Il aura fallu trois mois aux Nations unies pour se saisir de l’affaire et diligenter une enquête. Une information confirmée par l’ONU lors du sommet de Tianjin sur l’environnement au début du mois.
Selon CDM Watch, il s’agit d’une escroquerie portant sur « plusieurs milliards de dollars » : l’élimination d'un gaz « à effet de serre très puissant » et rare, le HFC-23. Ce gaz est tellement valorisé qu'il devient en effet rentable de le fabriquer simplement pour le détruire. C’est ce que ferait l’entreprise chinoise Dongyue, un fabriquant de produit chimique installé dans le Shangdong, dans l’Est de la Chine. Selon un journaliste Hongkongais, Eric Ng, du quotidien South China Morning Post, Dongyue produirait volontairement des surplus de HFC-23 pour mieux le détruire et obtenir des crédits carbones revendus ensuite à des entreprises européennes et américaines. Eric Ng affirme s’être rendu sur place au mois d’octobre et avoir constaté la dérive de visu.
Enquête de l'ONU
Des experts mandatés par l’ONU sont actuellement en train d’enquêter sur le cas de Dongyue, mais pas seulement. Au total, dix entreprises asiatiques sont dans le collimateur, dont sept Chinoises, deux Sud-coréennes et une Indienne. Toutes ont profité du MDP en produisant puis détruisant le gaz HFC-23.
Ce gaz est aussi connu sous le nom de fluoroform . Il est 11 700 fois plus nocif que le CO2, et les infrastructures industrielles de captage et de destruction sont rapidement devenues le premier vecteur de MDP dans le monde. On estime ainsi que la moitié du milliard de tonnes d'équivalent CO2 économisé grâce aux MDP entre 2004 et 2012 proviendra de la destruction du HFC-23. Un effet d’aubaine pour de nombreuses entreprises. Le prix payé pour la destruction du gaz serait en effet jusqu'à 70 fois supérieur au coût réel de l'opération, relève ainsi CDM Watch. Interrogé, le groupe Dongyue a démenti ces accusations et attend le résultat de l’enquête onusienne. Mais il y a fort à parier que rien ne sortira avant le sommet de Cancun.
On comprend mieux dès lors la bataille qui se joue en coulisses sur ces dossiers et notamment l’acharnement de la Chine à défendre ce système des crédits carbone. Le groupe Dongyue affiche des revenus annuels de 400 millions d’euros et on le sait proche des pouvoirs politiques chinois. Par ailleurs, la Chine est en train de se lancer sur le marché du trading de crédits carbone et vient d’inaugurer à Tianjin justement sa première plateforme d’achats et de ventes de crédits. Une bourse du CO2 qui sera suivie par deux autres en Chine d’ici 2012. Un commerce lucratif dans lequel la Chine entend jouer les premiers rôles. Ce scandale, s’il est avéré, s’ajoute à celui révélé au moment du sommet de Copenhague. A l’époque, les Nations unies avaient refusé d'intégrer une dizaine de projets de parcs éoliens chinois aux mécanismes de développement propre. L'institution soupçonnaient la Chine d'avoir manipulé certains prix pour apparaître compétitifs et bénéficier de subsides internationaux.
Premier émetteur mondial de CO2, la Chine a en effet très tôt compris les avantages de ce mécanisme qui lui permet de faire financer, une partie de ses programmes de constructions de barrages hydroélectriques, de fermes éoliennes ou de destruction de gaz polluants par les pays développés. Actuellement, la Chine ne pèse que 3 à 4 milliards de dollars sur un marché total des crédits carbone de 126 milliards. Mais c’est elle qui remporte actuellement près de la moitié de l'ensemble des crédits venus des pays développés. L'Afrique, elle, n'en touche que 2 %.
Stéphane Pambrun à Pekin
Mis en ligne sur Novethic le : 02/11/2010
dimanche 3 janvier 2010
Compensation des gaz à effet de serre générés par nos voyages
Aujourd’hui, il nous semble opportun de faire le point sur ce thème, de tirer les enseignements des expériences, et d’intégrer les dernières avancées scientifiques.
Ces deux points se rejoignent : pour qu’une compensation soit supposée efficace, donc réelle, il faut réunir au minimum deux conditions :
Ø Que l’on puisse prouver que le projet financé par des fonds provenant de collecte des programmes de compensation soit simplement… efficace.
C'est-à-dire qu’il y ait réellement économie de production de GES. La quantification de cette économie et le fait qu’elle perdure dans le temps constituent deux éléments essentiels ; mais ils sont difficiles à évaluer, et surtout garantir.
Ø Que le principe d’additionnalité soit absolument respecté ; c'est-à-dire qu’il faut être certain que le projet financé, non seulement va permettre une économie d’émissions de GES, mais que cette économie n’aurait pas pu exister sans que le projet soit (co)financé par le programme de compensation.
Techniquement, l’évaluation de la pertinence de la mesure compensatrice doit donc répondre à cinq questions, cinq difficultés :
Le consommateur ne dispose que d’un seul élément lui garantissant le bon emploi de sa contribution : le certificat MDP - ou Mécanisme de Développement Propre. Totalement indépendant des prescripteurs, des vendeurs de projets, des réalisateurs de projets, ils sont définis et attribués par la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). C’est à ce jour le seul moyen de s'assurer qu'un projet « générera » réellement des GES non émis.
Ainsi l’ONU valide t-elle des projets, qui sont sur le marché, en délivrant des certificats. C’est à dire que les porteurs de projets validés ont des quotas de crédits carbone qu’ils peuvent vendre (ce qui les aide à développer leur projet) à un opérateur en compensation carbone, celui à qui vous (ou l'agence de voyages) allez acheter la compensation de votre voyage (ou de vos déplacements quotidiens et/ou le chauffage de votre habitat).
Le protocole est lourd, mais il est la garantie du meilleur emploi possible des crédits vendus. Il est donc évident que la compensation (volontaire ou non !) s'accommode mal de petits projets.
Parce que l’opérateur préfèrera choisir ses fournisseurs qui lui vendront des tonnes de carbone liées à des projets plus ou moins sérieux, donc bon marché, suivant les différents niveaux de certification (CER, VER, ou... aucun d’entre eux ! cf. infra). L’important sera ce que retient le client.
Voyager en avion : que nous disent les chiffres et les offres des voyagistes ?
Dans la perspective d'un véritable développement soutenable, chaque humain ne devrait pas dépasser un quota de deux tonnes par an, pour tous les aspects de sa vie (nourriture, chauffage, déplacements, consommation, déchets). C'est, grosso modo, l’empreinte écologique.
Un vol en classe économique Paris / New York émet 2,56 tonnes.
Peut-on « optimiser » sa distance de vol ?
Prenons le cas d’un axe Paris – Marseille – Djanet (Algérie), 3 villes presque alignées. En théorie, un vol Paris - Djanet produit 1,23 T de GES par passager, alors qu’un Marseille - Djanet en produira 0,95 T (source ADEME – incertitude 20%). Le TGV reliant Paris à Marseille étant en comparaison négligeable, on peut considérer que voler de Marseille vers le sud plutôt que de Paris est une bonne affaire climatique. Mais à une condition : que le vol de Paris soit supprimé. Ce qui dépend du choix de chacun.
Le trajet effectué en TGV ne pourra donc dédouaner la conscience du voyageur que si une grande majorité fait ce choix, permettant à l’avionneur de ne proposer que le vol de Marseille.
Les vols courts
Les offres de programmes de compensation (du voyage dans son entier) des voyagistes sont variées ; exemples :
Ø Un organisme de développement en pays émergents propose que le montant de votre compensation soit effectivement affecté à des projets de développement, dont la part énergétique peut être mineure, mais assez clairement définie.
Ø L’alimentation d’une fondation, créée pour l’occasion, par un opérateur ; il garde le contrôle des sommes versées par ses clients, dans une transparence toute relative. Les fonds sont déclarés destinés à un programme de reforestation.
Les modes de collecte varient eux aussi :
Ø Le montant à compenser (calculé comment ?) est intégré au forfait ; il est possible ou pas de le retrancher
Ø L’adresse d’un organisme de vente de crédit carbone est fournie, avec le montant à compenser
Nous voyons donc que les offres sont liées, d’une manière ou d’une autre, et dans la plupart des cas, à une offre captive et/ou pire, peu lisible.
4/ [V.V.E.] insiste pour dire que la compensation, volontaire ou obligatoire, n’est pas un passeport pour polluer en toute bonne conscience ; et ne peut permettre l’économie d’une réflexion sur nos modes de consommation des transports.
Nous voyons que réfléchir sur les mécanismes de compensation carbone mène tout droit à une réflexion sur nos modes de déplacement… qui relève de la quadrature du cercle.
Alors instrument de bonne conscience ? Grâce aux outils de calcul, la compensation carbone ne sert-elle qu’à rendre invisibles les nuisances engendrées ? Comment penser que dépenser 50 € en plus de son voyage va effacer celui-ci ? Serait-ce si simple ?
On peut se le demander dans la mesure où la plupart des programmes qu’ils soutiennent ne garantissent ni contraintes ni vérifications susceptibles d’être exigées.
Mais faut-il demander à un voyagiste de compenser nos propres trajets en avion (ou le forfait complet) ? Il n’est pas propriétaire des avions et de leurs nuisances ; il ne fait qu’incorporer à son forfait un service que demande le consommateur. Il incombe donc au consommateur de se renseigner, et de juger lui-même, par une démarche volontaire, s’il doit essayer de compenser ses déplacements en avion, et acheter ce service à l’opérateur qui lui semble le plus pertinent. Cela éviterait les offres sans valeur, à la fois juge et partie, et la récupération de la réflexion, par les opérateurs touristiques, qui ont intérêt à « verdir » leurs activités. Et surtout à éviter que chacun ne se détourne des voyages utilisant l’avion. Notons que les programmes de cumul de Mile’s sont plus visibles encore dans la communication ; poussant à consommer, ils sont plutôt en contradiction avec une réduction de nos GES.
Le coût des voyages n’a cessé de baisser, comme nous l’avons montré dans un article consacré au sujet ; et cela est en grande partie dû au prix des trajets aériens orientés à la baisse depuis des décennies, en particulier sur les destinations moyen courrier. Cela induit un plus grand nombre de voyageurs en avion (+ 6% par an depuis 20 ans), et la multiplication des vols sur une année pour de nombreux clients (2 milliards de passagers cumulés chaque année – source IATA).
Les outils, comme le Bilan Carbone® de l’ADEME, permettent d’évaluer le poids de GES généré par une activité humaine donnée ;
Revenons sur la compensation par les projets de (re)forestation :
En proposant des projets de reforestation dans le cadre d’une compensation (bois en échange de pétrole consommé), on cherche à mettre en parallèle, des cycles de carbone différents, qui ne sont ni synchrones, ni de même nature.
Le carbone issu du pétrole (cycle dit passif) a mis des millions d’années à se constituer à partir de végétaux dans les profondeurs du sol (en l’absence d’oxygène donc sans libération du CO2 à ce moment). Le cycle de vie d’une forêt va se dérouler à l’air libre (cycle dit actif) ; son bilan est neutre puisque le carbone stocké sera libéré, que ce soit par le feu ou par la décomposition.
Si les conditions de cette reforestation sont au moins aussi importantes que le fait de reforester, on peut considérer que c’est une bonne action (pour des populations, la biodiversité, etc.). Pour autant il est difficile de faire passer ces actions pour de la compensation carbone. Notre premier article consacrait tout un paragraphe au sujet. Aujourd’hui, l’augmentation de la température moyenne de 2° C ne fait pas de doute ; les conditions biogéographiques vont changer. Et on ne peut à l’évidence pas planter aujourd’hui des arbres adaptés au climat de demain. Redisons qu’une forêt arrivée à maturité rejette autant de CO2 qu’elle n’en séquestre.
Et par-dessus tout, il faudrait être sûr que la forêt n’aurait pas poussé naturellement, selon le principe d’additionnalité que nous retrouvons une fois encore.
Nous voyons, sur le principe même, qu’il est quasi impossible que cette solution réponde réellement à tous les critères énoncés supra.
Alors pourquoi les programmes forestiers ont-ils tant de succès, du moins dans l’offre ?
Si ce moyen est le moins sûr, c’est aussi le moins cher à mettre en œuvre. Et il est plus facile de communiquer sur des hectares que des kilowatt/heure immatériels. Ce lien à la terre est aussi culturel (l’arbre racine, « la terre, elle, ne ment pas », etc.). Difficile de ne pas penser que l’on privilégie la communication, l’occupation de l’espace du débat, le verdissement grâce à forêt…
Ce débat sur les compensations carbone tend à montrer que l’on cherche des mécanismes de régulation, sans se donner les moyens d’action. Lesquels relèvent aussi de la législation, des autorités de tutelle et de leurs choix politiques.
Peu de voyageurs sont informés du fait, par exemple, que depuis une décision datant de l’après guerre, visant à promouvoir le transport aérien, vecteur de croissante, le kérosène n’est pas soumis à la taxe sur les carburants (la fameuse TIPP, qui représente 60 % du prix de l’essence à la pompe, et qui rapporte 25 milliards d’Euros chaque année). Le prix de nos billets d’avion s’en trouve anormalement minoré, faussant au passage la concurrence (la ligne de défense des affréteurs est que ce carburant est souvent exporté). Le transport aérien ne fait toujours pas partie du marché des quotas internationaux.
En résumé, le financement de programmes de compensation d’émissions de GES devrait se limiter à deux domaines, l’hydraulique et l’efficacité énergétique. Eux seuls répondent aux critères permettant, au mieux, de s’assurer de la conversion de votre argent en non émission de GES. Il faut pour cela qu’ils soient certifiés par le mécanisme des MDP. Les certificats type VER ne sont pas, à notre sens, suffisants.
Il est indispensable de différer le moins possible la compensation dans le temps ; plus le temps entre l’émission des GES et les effets d’un projet visant à les compenser sera court, plus crédible et effective sera la compensation. L’idéal serait d’ailleurs de financer d’abord des projets, et dépenser ensuite une sorte de crédit carbone individuel…
L’additionnalité restera toujours la pierre d’achoppement de tout projet : comment prouver a priori, donc sur un scénario spéculatif, que le projet n’aurait pas eu lieu sans votre apport ? Alors que vos émissions de GES, elles, auront bien eu lieu.
Combien coûte une compensation chez un opérateur qui ne vend que du crédit carbone CER/MDP ?
Votre vol Paris / Conakry (vol direct) vous « coûtera » 2,04 T, soit l’empreinte écologique annuelle acceptable par terrien.
CO2logic 54 €
Pour information, Action Carbone vous vendra 41 € la même compensation, mais sur des projets VER ; les VER (Verified emission reductions) ne sont pas attribués par l’ONU, mais sont un accord entre le porteur de projet et l’organisme, ce qui est très différent.
Comparons les émissions de GES entre les différents moyens de transports (source ADEME) ; si nous prenons par exemple 2000 Km :
1/ la réduction de nos émissions individuelles de GES doit s’aborder globalement,
2/ les importations massives de nos biens de consommation sont une externalisation des émissions de GES.
Pour mieux comprendre la dynamique qui régit l’achat de crédits de carbone lors de voyages à bilan « carbone neutre »
Avoir un bilan carbone neutre en tourisme est principalement associé au secteur des transports. Toutefois, de plus en plus, les hôtels, les événements et même les compagnies de location de voitures proposent de neutraliser leur empreinte écologique. Même si le principe du «carbone neutre» n’est pas encore appliqué par tous, il est en croissance. Par exemple, en 2005, 0,5 % des passagers de British Airways ont effectué des voyages «carbone neutre» alors que ce nombre est présentement estimé à 1%. Certains rapports révèlent que le marché de la compensation volontaire des émissions de carbone a augmenté de 1000% de 2002 à 2005. Comme ce marché n’est pas réglementé, il faut prendre conscience d’un certain nombre d’enjeux qui en résultent.
Mise en contexte du système de compensation des émissions de carbone
L’achat volontaire de crédits de carbone fonctionne en dehors des mécanismes prévus au Protocole de Kyoto. Pour les particuliers comme pour les entreprises, ce système contribue de manière importante à l’atténuation des changements climatiques; il s’agit aussi d’un bon exemple d’application volontaire du principe pollueur-payeur.
Le Protocole de Kyoto, un cadre obligatoire pour les pays signataires, inclut trois principaux mécanismes:
> les «échanges» de permis d’émission de carbone,
> les projets de mise en œuvre conjointe (MOC).
L’échange de permis d’émission de carbone est une mesure d’allocation qui fixe la limite de pollution que les pays signataires du Protocole de Kyoto peuvent émettre. Ceux qui émettent plus qu’il ne leur est permis doivent acheter des crédits de ceux qui se situent sous leur limite, par le biais du marché du carbone, par exemple le marché européen des permis d’émission. Actuellement, cette mesure touche principalement les compagnies d’électricité et le secteur manufacturier. Elle ne concerne pas encore l’industrie touristique ni les compagnies aériennes, bien que ces dernières subissent d’importantes pressions.
Dix choses à savoir avant de choisir d’avoir un bilan «carbone neutre»
1. Différents types d’organisations qui vendent des crédits de carbone
Environ 40 organismes vendent des crédits de carbone et l’augmentation de leur nombre entraîne des problèmes de transparence. Parmi ces compagnies, certaines sont à but lucratif, d’autres non, mais elles sont toutes situées dans des pays industrialisés. Elles versent de 25% à 90% de leurs revenus à des projets de compensation. Certaines gardent donc un montant important pour payer leurs frais d’exploitation.
2. Variations dans le calcul des émissions
Il existe d’énormes différences (jusqu’à 3 fois plus) entre les systèmes de mesure des émissions de carbone utilisés par les organisations qui vendent des crédits de carbone. Il importe de standardiser ces modes de calcul pour augmenter leur crédibilité. Les systèmes doivent êtres à la fois informatifs et précis. En général, plus le nombre de paramètres utilisés est élevé, plus le calcul des émissions de carbone devrait être précis. En ce qui concerne le calcul des émissions provenant des avions, un bon système de mesure prend en compte la distance exacte des déplacements, le forçage radiatif (radiative forcing) à différentes altitudes selon la longueur du vol, le taux d’occupation, l’altitude de vol ainsi que le type d’avion.
3. Coût des crédits de carbone
Comme le marché volontaire des crédits de carbone évolue à l’extérieur des mécanismes de Kyoto et qu’il n’est ni réglementé ni standardisé, le prix d’une tonne de carbone varie selon les organisations, allant de 3 $ à 43 $ la tonne.
4. Types et qualité des projets soutenus
Parmi les trois principaux types de projets de compensation du carbone, les plus favorables incluent la production d’énergie «sans émission» (éolienne, biomasse, solaire, géothermique, etc.) et le développement de nouvelles technologies (qui utilisent moins d’énergie, telles les voitures hybrides).
Lorsqu’on investit dans ces projets, le principal problème rencontré est lié à l’«additionnalité», un terme qui fait l’objet de discussions dans la comptabilité du carbone. Avant d’acheter des crédits de carbone, il importe de savoir si les projets soutenus contribuent véritablement à la réduction des GES. La question à se poser est la suivante: si je n’avais pas financé ce projet, existerait-il? Si la réponse est oui, ce n’est pas un réel projet de réduction parce que son financement n’est pas venu d’un achat de crédits de carbone.
Les voyageurs qui ont l’intention de voyager avec un bilan «carbone neutre» doivent être bien informés sur les crédits de carbone qui financent la plantation d’arbres. Les indices montrent qu’il existe beaucoup trop de problèmes et de controverses à cet effet et c’est pourquoi certaines organisations n’offrent aucun crédit de carbone pour ce genre de projet. Planter des arbres ne résoudra pas seul les problèmes de changements climatiques, car cela ne mène pas à une réduction de la dépendance aux combustibles fossiles (analyse à lire dans un prochain Globe-Veilleur).
6. Acheter des crédits de carbone de haute qualité
Les compagnies qui vendent des crédits de carbone peuvent oeuvrer ou non à l’intérieur du cadre du Protocole de Kyoto. L’avantage, pour celles qui y adhèrent, est que la réduction des émissions est vérifiée à l’aide d’un cadre réglementé, géré par les gouvernements qui sont partie prenante du Protocole.
7. Acheter de futurs crédits de carbone
Les voyageurs doivent également savoir que certaines organisations vendent des crédits de carbone pour des projets existants ou des projets futurs. Étant donné qu’un projet peut ne jamais se réaliser ou être moins performant que prévu, il est risqué d’acheter des crédits pour des projets éventuels. Il est toutefois important d’investir dans des projets en démarrage pour donner le coup d’envoi aux nouveaux projets de compensation.
Bien qu’elles commencent à se développer, il n’existe actuellement aucune norme pour évaluer la performance des projets de compensation volontaire. Cependant, la Gold Standard Foundation offre un label de qualité – actuellement le plus fiable – aux projets associés au Protocole de Kyoto ainsi qu’à certains autres projets à base volontaire. Des tierces parties évaluent rigoureusement la qualité environnementale des projets. La Gold Standard vise exclusivement les projets d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique.
9. Emplacement des projets de compensation
Certains projets de compensation sont situés dans des pays en développement et plusieurs d’entre eux ont créé des problèmes d’ordre environnemental et social (tels que la délocalisation des populations, la perte d’accès aux ressources vitales, etc.); c’est pourquoi les voyageurs qui achètent des crédits de carbone doivent s’assurer que les projets répondent aux normes et aux standards de manière à apporter aux pays concernés des bénéfices à long terme.
Deux récentes études qui ont évalué les organisations de compensation recommandent les suivantes: Atmosfair, Climate Friendly, Myclimate et NativeEnergy.
Et ensuite ?
Pour s’assurer que les dépenses supplémentaires des voyageurs et de l’industrie touristique correspondent aux attentes, il est indispensable de répondre aux questions soulevées précédemment.
Le changement climatique est un problème global qui nécessite des solutions globales. Si l’industrie touristique veut garder confiance dans les projets de compensation des émissions de carbone, la méthode de calcul doit être standardisée et les projets doivent être certifiés et accrédités par une organisation compétente.
Entre-temps, il importe de réduire les émissions et de chercher des solutions de rechange à l’utilisation d’énergies fossiles qui contribuent aux changements climatiques. Si nous voulons obtenir un bilan «carbone neutre», nous devons nous assurer que l’argent des crédits soit investi dans des projets de qualité.
1 Le carbone réfère au dioxyde de carbone. Les projets de compensation du carbone incluent parfois la compensation d’autres gaz à effet de serre. Le Protocole de Kyoto reconnaît six responsables du réchauffement: le dioxyde de carbone (gaz carbonique), le méthane, l’oxyde nitreux, les hydrofluorocarbones, les perfluorocarbones et l’hexafluorure de soufre.
Sources:
- Anonymous. The Economist. Carbon Offsets: Ripping Off Would-be greens? The Economist, vol. 382, no 8520, 2007, p. 61.
Compenser vos émissions de gaz à effet de serre par la plantation d'arbres ?
La popularité des programmes d’achat de crédits de carbone par la plantation d’arbres s’explique par leur simplicité et par l’image verte et propre qu’ils projettent. Du point de vue commercial, les coûts de mise en œuvre de puits de carbone forestier sont 90% moins élevés que la mise au point et l’implantation de technologies écoénergétiques. Si la plantation d’arbres est un pas dans la bonne direction, il faut néanmoins prendre conscience des enjeux entourant les projets de séquestration du carbone.
Enjeux
On se rend compte que les arbres ont un rôle à jouer dans la réduction des émissions atmosphériques de gaz à effet de serre. Bien gérés, les programmes de plantation d’arbres peuvent aider à résoudre d’autres problèmes environnementaux et à générer des revenus. Ils peuvent également être une source de problèmes.
1. Les projets de foresterie emmagasinent le carbone seulement durant la vie des arbres. Quand ceux-ci meurent, sont coupés ou détruits par la nature ou par d’autres processus (le feu par exemple), le carbone est alors relâché dans l’atmosphère. Dans un tel cas, le client n’a pas été en mesure de compenser les émissions de carbone.
2. Une fois la forêt implantée, la quantité de carbone emmagasinée pendant la durée entière du projet est complexe à mesurer. Cette question fait présentement l’objet d’un débat scientifique.
Ce qu’il faut faire
1. Essayez, dans vos déplacements et dans la vie quotidienne, de réduire vos émissions.
2. Si réduire n’est pas possible, envisagez toutes les meilleures solutions de rechange disponibles.
3. Si ces deux approches ne conviennent pas et que vous désirez réaliser vos voyages et vos affaires avec un bilan «carbone neutre», examinez soigneusement les projets forestiers disponibles avant d’y adhérer.
Si vous décidez d’acheter des crédits de carbone dans les projets forestiers, vous devriez rechercher les points suivants:
> Des plantations permanentes (>100 ans) ou des projets protégés.
> Des espèces indigènes et variées.
> Une plantation d’espèces feuillues et d’une longue durée de vie (ou d’espèces indigènes et adaptées au milieu).
> Des projets disposant de moyens pour gérer les plantations et assurer leur survie à long terme.
> La complémentarité (des projets qui n’auraient jamais été réalisés sans votre contribution).
> Une assurance de projet stipulant que l’entreprise remplacera les arbres endommagés (par exemple par le feu ou en raison d’une sécheresse).
> Une organisation transparente et des coûts de gestion faibles.
> Des avantages environnementaux supplémentaires (tel l’établissement d’habitats).
> Des projets qui offrent une véritable aide aux collectivités locales en matière de développement durable.
> Des projets dont le crédit de carbone que vous achetez est retiré du marché et ne peut pas faire l’objet d’une revente.
> Des projets qui tiennent compte des besoins et des connaissances des populations locales.
> Une certification et une vérification des projets par un tiers parti indépendant.
Sources:
Qui est carbone neutre dans le secteur touristique québécois ?
Qui est carbone neutre dans le secteur touristique québécois ?
Julianna Priskin 12 06 2009
Durant leur séjour au Québec, les touristes locaux et étrangers émettent des gaz à effet de serre (GES), peu importe le moyen de transport qu’ils utilisent, la distance qu’ils parcourent ou l’activité qu’ils choisissent. Jusqu’à maintenant, aucune étude n’a permis d’évaluer les contributions de ces voyageurs ou du secteur touristique aux émissions de GES, ni les mesures d’atténuation prises au Québec, ni les comportements s’y rattachant. Les connaissances sont donc insuffisantes en matière de réductions nettes et de compensation des émissions de GES. Le but de cet article est de donner un bref aperçu de la carboneutralité dans le secteur touristique québécois.
(1) Planetair est un organisme à but non lucratif, toute comme le Centre international Unisféra qui le dirige(2). Planetair est le distributeur exclusif de Myclimate, qui est l’un des fournisseurs de crédits compensatoires les plus respectés au monde parce que ses projets se conforment au Mécanisme de développement propre (MDP*) du protocole de Kyoto et au «Gold Standard**». Il n’appuie que les projets portant sur l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique dans différents pays en voie de développement. Planetair prévoit offrir des projets canadiens selon les volumes de ventes.
(2) Carbone boréal (CB) est à la fois un programme et un projet de recherche de l’Université du Québec à Chicoutimi. Les crédits de CB servent à financer la plantation d’arbres sur des terrains déboisés du Québec et à soutenir la recherche. Les plantations sont vérifiées et dirigées selon la norme ISO 14064-3, et tout projet sera enregistré dans le Registre GES des ÉcoProjetsMD canadien (3).
(3) ZéroGES (ZeroGHG Inc.) est une société de conseil privée qui fournit des crédits dans le cadre de divers projets sur l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique. Ses services portent sur l’élaboration de stratégies de réduction des GES, la quantification des émissions et la vérification du rendement. Les projets ZéroGES se déroulent dans différents pays, et au moins 80 % d’entre eux doivent se conformer au MDP* et au «Gold Standard**» (4).
(4) ZÉRØCO2 est une entreprise privée qui vend des crédits compensatoires pour financer des projets de reboisement dans différentes communautés. Depuis 2006, ZÉRØCO2 a permis de reboiser plus de 20 hectares de terrains, créant ainsi des espaces verts équivalant en superficie à un peu plus de 40 terrains de football en plein cœur des collectivités (5).
Fournisseurs indirects de crédits compensatoires
Certaines entreprises touristiques se sont associées avec différents fournisseurs de compensations. Par exemple, depuis 2007, Air Canada (AC) incite ses clients à acheter des crédits de carbone par le biais de l’organisme à but non lucratif ZeroFootprint, qui investit dans un projet de reboisement en Colombie-Britannique. Jusqu’à maintenant, les clients d’AC ont acheté pour 187 612$ de crédits, ce qui correspond à 11 725 tonnes de CO2 (6). Pour sa part, Air Transat ne vend pas de crédits; elle invoque différentes raisons, dont le fait que ces projets ne permettent pas de résoudre les problèmes se rattachant aux changements climatiques (7).
En ce qui concerne le transport ferroviaire, VIA Rail n’offre pas non plus de crédits à ses clients; elle les encourage plutôt à calculer la quantité de GES émis durant leur voyage sur le site d’Arbres Canada, un fournisseur de compensations d’Ottawa, en vue de les neutraliser. Depuis 1990, VIA Rail a réduit ses émissions de GES d’environ 15%, bien qu’elle ne soit responsable que de 0,03% des émissions totales. Par comparaison, 13% des GES émis au Canada proviennent des automobilistes (8). Pour les voyageurs qui louent des véhicules, de nombreuses entreprises de location, dont Alamo, Enterprise et National, offrent des crédits intégrés à leur formulaire de réservation en ligne (9).
Certains établissements hôteliers ont des politiques de carboneutralité. Par exemple, l’Hôtel Chicoutimi atténue sa consommation d’énergie de chauffage et d’électricité et incite sa clientèle à compenser les GES émis pendant son séjour par le biais de Carbone boréal (3). Depuis 2006, l’Hôtel des Seigneurs à Saint-Hyacinthe offre des forfaits «écolos» à ses clients et, en 2008, il s’est engagé à calculer la quantité de GES que ceux-ci émettent durant leurs déplacements, entre autres services écoresponsables (10). De plus, les émissions de GES des réunions et des événements ayant lieu dans cet établissement sont compensées par la plantation d’arbres. Parallèlement, dans un effort de carboneutralité, le Novotel Montréal plante des arbres pour chacune des réservations effectuées en ligne par ses clients (11).
Le voyagiste montréalais, Karavaniers du monde, prend l’atténuation des changements climatiques au sérieux; depuis janvier 2009, ses prix incluent le coût des crédits de carbone achetés auprès de Planetair (2, 12). Environ 97% des clients de cette entreprise sont québécois et, selon son propriétaire, ils ne se plaignent pas de l’augmentation des prix attribuable à l’achat de crédits compensatoires. Au contraire, les clients sont satisfaits des efforts déployés par l’entreprise en ce sens. Omnitour et Voyages Tour Étudiant offrent également des crédits compensatoires à leur clientèle(2). Au Saguenay, WeLa Aventure organise depuis 2006 des randonnées écoresponsables à pied ou à vélo (13). Elle a compensé les émissions de CO2 des déplacements de ses clients en soutenant la plantation d’arbres par ZIP Saguenay (14) et la Coop Quatre Temps (15).
De plus en plus, les festivals et les événements du Québec sont écoresponsables, et certains ont compensé leurs émissions de GES (16). Par exemple, depuis 2008, le Festival International de Jazz de Montréal est carboneutre (17). Les centres des congrès de Québec et de Montréal offrent à leurs clients des événements écoresponsables avec leurs partenaires (18, 19), ainsi que l’option d’acheter des crédits de carbone pour ces événements. Par exemple, en 2004, le Centre des congrès de Québec s’est engagé à réduire sa consommation d’énergie de 33% par m2 et ses émissions de GES totales de 50% (20). Depuis 2007, il a accueilli 32 événements écoresponsables dont 7 comprenaient des crédits compensatoires.
La politique de développement durable du Parc Jean-Drapeau (PJD) de Montréal intègre la réduction de GES et une stratégie de compensation pour les opérations et autres activités (environ 100 événements par an) organisées sur le territoire du parc (21). Le PJD a créé un Fonds Oxygène pour mettre en application cette politique. Les partenaires et fournisseurs seront invités à contribuer à ce fonds, qui financera les projets spécifiques d’amélioration environnementale (22). En plus, les automobilistes devront payer des frais supplémentaire de 1$ pour garer leur véhicule dans les stationnements du parc afin de compenser leurs émissions de GES avec CB.
Ce résumé de la situation au Québec montre que la carboneutralité au sein du secteur touristique se compose d’efforts disparates. Cette analyse souligne également le besoin de mesurer les contributions nettes aux GES du secteur touristique afin de coordonner le processus permettant de se doter d’une méthode efficace d’atténuation de ces contributions.
* MDP certifie les réductions des émissions qui sont vendues sur le marché volontaire et il s’assure que les crédits de carbone de pays développés sont conformes aux règlements du protocole de Kyoto.** Le «Gold Standard» est une organisation indépendante qui certifie des crédits de carbone vendus sur le marché volontaire. De tels crédits de carbone doivent répondre à des objectifs de développement durable. Cela signifie qu’un projet de carbone doit mener directement à une réduction des émissions du filet GES. Gold Standard ne certifie pas des projets de sylviculture.
Pour ou contre la compensation carbone ? Un excellent article sur terra-economica
Comme le rappelle l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), « le principe sous-jacent est qu’une quantité donnée de CO 2 émise dans un endroit peut être compensée par la réduction ou la séquestration d’une quantité équivalente de CO2 en un autre lieu. Ce principe de “ neutralité géographique ” est au cœur des mécanismes mis en place par le protocole de Kyoto. »Par exemple, pour un vol Paris-New York, un passager va émettre plus d’une tonne de CO2 dans l’atmosphère. Il peut dès lors décider de s’adresser à une société de compensation telle que Action Carbone, GoodPlanet, Climat Mundi ou CO2 solidaire. Et décider librement de financer un projet à la hauteur de ses propres rejets. En vogue aujourd’hui – les particuliers restent cependant à la traîne, les entreprises pèsent plus de 90 % du total des dons –, la compensation volontaire suscite des salves de questions.
N’est-elle qu’un moyen de s’acheter une bonne conscience ? Constitue-t-elle, au contraire, le premier pas vers la prise de conscience de l’impact environnemental de chacun de ses actes ? Comment vérifier la destination des fonds ? Peut-on craindre la vente de puits de carbone bidons ?
La compensation permet-elle l’absorption, voire l’annulation de la pollution que l’on a réellement produite ?
Alain Grandjean : Cela dépend des cas. Après un voyage en avion, un passager peut décider de compenser ses émissions en plantant des arbres. L’ab-sorption de dioxyde de carbone s’effectue alors sur la durée de vie de l’arbre, c’est-à-dire trente ans si celui-ci est planté dans une forêt gérée durablement. Dans ce cas, la pseudo-compensation ne survient pas au même moment que les émissions et elle n’est pas garantie. En revanche, dans le cas d’une opération de méthanisation de décharge [1], la compensation peut éventuellement avoir lieu tout de suite.
Alain Grandjean : En effet, il faut être absolument certain de réduire très rapidement les émissions de gaz effet de serre et ne pas seulement financer un « machin » qui plaira à l’opinion, comme des projets d’énergies renouvelables dans le Sud par exemple.
Eric Parent : Compenser contribue à améliorer la situation. Le jour où des entreprises comme SFR ou Bouygues ont vendu leur premier téléphone portable, leur chiffre d’affaires ne représentait qu’une infime part de la téléphonie mobile. Les petits ruisseaux alimentent les grandes rivières. La compensation est un marché naissant, en plein essor, et il est tout à fait normal qu’elle ne concerne encore que de faibles parts.
Alain Grandjean : La compensation ne concerne que quelques dixièmes de pourcentage des émissions de gaz à effet de serre. Cette opération est loin d’être à la hauteur du problème. Disons les choses clairement : la compensation ne règle en rien notre dépendance à l’énergie fossile. Et il s’agit tout de même du véritable enjeu. Dans un monde où le prix du baril de brut croît fortement (lire aussi pages 50-52), l’opération de compensation ne rend guère de service. Or nous sommes entrés dans l’ère de la contrainte et le monde de l’entreprise n’a pas d’autre solution que de réduire sa dépendance au pétrole. Conseiller aux boîtes une simple compensation ne les encouragera pas à anticiper la fin du pétrole, à s’organiser afin de réduire leur consommation d’énergie.
Eric Parent : Quelques sociétés se lancent dans la compensation sans que celle-ci ne leur soit imposée. Je veux donc croire que ce mécanisme leur permettra à l’avenir de mieux accepter un objet plus contraignant, comme la taxe carbone [2] par exemple.
Eric Parent : La dimension volontaire limite l’étendue du système, comme dans le cas de la consommation biologique ou équitable. En revanche, il prépare les esprits à des mesures plus fortes et plus réglementées.
Alain Grandjean : Sans contrainte, aucune mesure ne peut avoir d’effet en termes collectifs. La compensation volontaire est hors sujet dans les négociations internationales. Elle n’existe pas et son impact est de l’ordre de l’épaisseur du trait. La vraie contrainte, c’est la taxe carbone. Mais dans un monde compétitif, personne n’osera imposer une chose pareille. Notre gouvernement a été élu sur la perspective de prélèvements obligatoires constants. Soit on impose une taxe carbone et on discute de l’usage de cette taxe, soit ce sont des coups d’épée dans l’eau.
Eric Parent : Disons que la compensation est une forme de taxe carbone volontaire. Ceux qui promeuvent la taxe carbone sont contre la compensa- tion, alors que celle-ci ne constitue qu’un début. Il est exact que la taxe carbone s’avèrerait plus efficace, encore faudrait-il qu’elle existe.
Eric Parent : L’« indulgence » induit une notion de moralité alors que la compensation traite de phénomènes physiques et financiers. Il n’y a rien de moral là-dedans. L’autoresponsabilisation n’a rien à voir avec un pseudo-péché de pollution. Nous sommes nés dans une société dépendante à 100 % du pétrole, nous y sommes tous accros, et quoi que nous disions, il est impossible de s’en extraire du jour au lendemain. Ceux qui comparent la compensation à une « indulgence » veulent surtout éviter de se poser la question pour ne pas avoir à payer.
Alain Grandjean : Je ne sais pas où est la vérité. Peut-être la compensation est-elle un moyen de se convaincre individuellement que payer vaut mieux que ne rien faire.
Eric Parent : Mais il faut savoir qu’on peut aussi compenser dans les pays du Nord. Cela dit, la réglementation y est plus contraignante.
Alain Grandjean : Le problème est surtout lié au contrôle. Si on développe un projet d’énergies renouvelables au Sud, comment obtenir la preuve irréfutable que l’énergie supplémentaire ainsi produite permettra d’éviter une production d’énergie à partir d’énergies fossiles ? C’est impossible. Au contraire, l’énergie renouvelable sera très probablement générée en supplément d’énergie fossile. Or pour être validé, un projet de compensation doit être « additionnel » : il doit prouver qu’il n’aurait pu être mis en œuvre hors du contexte inhérent à la lutte contre les changements climatiques.
Eric Parent : Je pense qu’il faut soumettre le projet à la grille d’analyse assez complète des Nations unies. On vérifie les critères les plus pertinents : le projet est-il indispensable ? A-t-il une rentabilité suffisante ? Il existe aujourd’hui un certain nombre de tests, mais il ne s’agit pas d’une science exacte et il subsiste encore une grande part de subjectivité.
Alain Grandjean : C’est bien là le problème. Dans les systèmes de compensation personnelle, il n’existe guère de contrôle, ni de label, ni aucune certitude que ce que vous financez pourra vraiment voir le jour. C’est un peu comme une coopérative de commerce équitable dont on ne sait si elle paie vraiment équitablement ses producteurs… Dans tous les cas, les contrôles induisent des coûts. Plus ces contrôles se développeront, plus les clients exigeront des garanties d’additionnalité et de sérieux. Et pour cela, il faudra sortir le carnet de chèques.
En novembre 2006, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a recensé 31 « compensateurs », présents dans une dizaine de pays dont une moitié basée au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Structures à but non lucratif ou agences-conseils pour un tiers d’entre elles, ces organisations sont très récentes : la majorité existe depuis moins de deux ans. Pour mettre un peu d’ordre dans tous ces programmes de compensation, l’Ademe a travaillé en 2007 à l’élaboration d’une charte des bonnes pratiques. Ses signataires s’engagent à vérifier la qualité de leurs projets, leur efficacité et leur additionnalité. http://www.compensationco2.fr/
[1] la méthanisation permet de traiter des eaux usées, les boues de stations d’épuration, les déjections animales, les déchets de l’agroalimentaire ou les ordures ménagères tout en produisant de l’énergie sous forme de méthane.
[2] La taxe carbone concernerait tous les combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel...) avec un taux variable, dépendant des émissions en dioxyde de carbone du combustible considéré.