Pourquoi ce blog ?

Nous refusons de croire ce que nous savons…

La compensation carbone des voyages pose les questions de la durabilité des modèles du tourisme d’aujourd’hui :

> Peut-on réduire la quadrature du cercle, celle d'un nombre croissant de voyageurs en avion, d'un stock fini de pétrole, et d'une technologie encore inexistante, même embryonnaire, pour faire voler des avions avec autre chose que du kérosène ?
> La compensation pratiquée à ce jour induit-elle une nouvelle forme de colonialisme ?
> Quelle spéculation lègue t-elle aux générations futures ?

De vraies questions qui appellent de vraies solutions. Le tourisme, et pas seulement le transport aérien, devront subir, ou organiser leurs mutations.

Ces questions sont à peine abordées, en général, dans les articles consacrés au sujet.
Vous en trouverez sur ce blog une sélection, pour vous faire votre propre idée.

Voyageur, si ces propos te dépriment, tu peux te balader sur mes diaporamas ci-dessous...

vendredi 17 décembre 2010

Planter des arbres pour polluer tranquille, la fausse bonne idée

Par Sylvain Angerand sur Rue89

chargé de campagne "forêt" - Les Amis de la Terre 12/12/2010

A Cancùn, si les négociations sont sorties de l'impasse, c'est au prix de nombreux sacrifices. Les pays riches refusent de réduire leur pollution ? Pas grave, ils pourront la compenser. Mais acheter le droit de polluer si l'on plante ou sauve des forêts est une fausse bonne idée. Voici pourquoi.


En grandissant, un arbre absorbe du dioxyde de carbone, l'un des principaux gaz à effet de serre. C'est pour ça que les entreprises l'adorent : il permet de continuer à polluer tranquillement en « compensant ».

Le système REDD+, en discussion à Cancún, propose de créer des crédits carbone accordés à ceux qui luttent contre la déforestation et plantent des arbres.

1 - Un écran de fumée

Tant que le carbone est stocké sous forme de roche (charbon) ou de liquide (pétrole) dans le sous-sol, il est inerte d'un point de vue climatique. C'est sa libération dans l'atmosphère au moment de la combustion qui est problématique car elle n'est pas réversible : il faudrait des millions d'années pour recréer du charbon ou du pétrole à partir de la décomposition des végétaux (d'où le terme d'énergies fossiles).

Le piège de la compensation carbone, c'est de nous faire croire l'inverse. Il suffirait que les arbres absorbent le carbone émis lors de la combustion du pétrole pour le neutraliser. Mais un arbre n'a une durée de vie que de quelques dizaines ou centaines d'années. Quand l'arbre sera incendié ou que le bois sera décomposé, le carbone stocké sera émis à nouveau dans l'atmosphère. D'un point de vue climatique, l'intérêt est donc quasiment nul.

L'urgence est-elle de regarder pousser des arbres ou de fermer le robinet à pétrole ? Devinez…

2 - Paie-moi ou je rase tout

Ces considérations n'empêchent pas les négociateurs de continuer à confondre compensation et réduction. Mieux, il est désormais question de créer un mécanisme encore plus complexe : la « déforestation évitée » ou, dans le jargon des négociations, « REDD » (Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts).

L'ère du chantage écologique est officiellement ouverte : plus vous menacez de sortir les tronçonneuses, plus vous pourrez vendre de crédit carbone si finalement, vous vous engagez à éviter le massacre. Des consultants comme McKinsey ou ONF International se livrent une concurrence acharnée pour aider les pays du Sud à établir des scenarii de déforestation catastrophe.

Le Guyana, qui a aujourd'hui un taux de déforestation quasiment nul, brandit à la tribune des Nations unies une étude montrant qu'il est prêt à raser la quasi-totalité de sa forêt dans les vingt-cinq prochaines années… sauf, bien sûr, si on le paye en achetant ses crédits carbone « déforestation évitée ».

Pour faire accepter ce nouveau mécanisme à l'Inde et à la Chine, qui ne possèdent plus beaucoup de forêt mais plantent massivement, même les monocultures d'arbres à croissance rapide sont éligibles. Mais, à vouloir faire plaisir à tout le monde, le résultat est désastreux : on risque de voir disparaître les forêts naturelles au profit de ces monocultures.

L'Indonésie est en train de magouiller les chiffres et les définitions pour que ses immenses champs de palmiers à huile, plantés à la place de forêts, puissent recevoir des crédits carbone.

3 - Les plus gros pollueurs s'achètent une conscience

Afin d'éviter que les entreprises et les pays développés « compensent » leurs émissions en achetant une parcelle d'arbres ou une promesse de non-déforestation, certains proposent que la compensation carbone soit uniquement volontaire et vienne s'ajouter aux efforts obligatoires de réduction. WWF et GoodPlanet, la fondation de Yann Arthus-Bertrand, proposent à Air France de compenser volontairement ses émissions en finançant un programme de lutte contre la déforestation à Madagascar.

Mais comme on le sait, une entreprise ne fait jamais rien gratuitement (ou très rarement), donc cette compensation volontaire risque de laisser penser qu'il n'y a pas besoin d'une règlementation contraignante.

On voit ainsi, aux Etats-Unis, des entreprises comme General Motors ou American Electrical Power, publiquement opposées à la ratification du protocole de Kyoto par leur pays, se lancer dans un vaste programme d'achat de forêt au Brésil pour compenser leurs émissions. Pas besoin de loi, laissez faire l'autorégulation.

4 - La double peine pour les plus pauvres

Les plus pauvres risquent de subir de plein fouet les changements climatiques et de voir leurs droits restreints par une nouvelle forme de colonialisme climatique. Quand General Motors achète des forêts au Brésil, les populations locales n'ont plus le droit d'y mettre les pieds. Un villageois qui a essayé de couper du bois pour réparer sa maison a passé onze jours en prison.

En Ouganda, autour du Mount Elgon, un groupement d'entreprises énergétiques des Pays-Bas a expulsé des paysans pour planter des arbres à croissance rapide capable de stocker du carbone. Des exemples d'expulsion liée à ce nouveau business du carbone comme ceux-là, on en a recensés plein dans notre rapport « REDD : les réalités noir sur blanc ».

5 - Les plus riches se frottent les mains

Les vautours planent au-dessus de ce nouveau marché. Interpol a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme sur le site Planetark.org :

« Les syndicats du crime organisé surveillent de très près l'émergence des crédits carbone forestiers et y voient une opportunité potentielle de fraude très lucrative. »


En Papouasie-Nouvelle-Guinée, des villageois ont rapporté avoir été menacés par des personnes armées pour signer des documents cédant leurs droits sur leurs forêts, selon une télé australienne.

Au Liberia, les responsables d'une entreprise anglaise, Carbon Harvesting Corporation, ont été interpellés par la police pour tentative de corruption en vue d'obtenir des crédits carbone frauduleux.

Enfin, flairant le bon filon, les banques sont en train de se ruer sur la finance carbone et de créer de nouveaux placements : BNP a, par exemple, investi dans un projet de réduction de la déforestation au Kenya. Après la crise des crédits subprimes toxiques, la crise des crédits carbone bidons ?

vendredi 3 décembre 2010

Cancun : les Amis de la Terre dénoncent la compensation carbone

ÉCRIT PAR YVES HEUILLARD LE 29 NOVEMBRE 2010


Après l'échec du sommet de Copenhague, les Amis de la Terre considèrent que les pays développés doivent sortir les négociations de l'impasse en reconnaissant leur responsabilité historique dans les changements climatiques et prendre les mesures structurelles nécessaires : réduire de façon drastique les émissions de gaz à effet de serre, avec un objectif de moins 40 % d'ici 2020 pour l'Europe ; renoncer aux mécanismes de compensation carbone, inefficaces et injustes, qui ont pour seul objet de masquer le manque de réduction des émissions dans les pays développés.

L'association souligne qu'en particulier, il y a un risque important que le mécanisme REDD (*) entre dans les marchés du carbone. Ceci conduirait les pays développés à privatiser des forêts dans les pays du Sud pour acheter des droits à polluer. Les mécanismes de compensation REDD priveraient les populations locales vivant des forêts de leurs droits et éviteraient aux pays industrialisés de prendre les mesures pour réaliser les réductions d'émissions domestiques indispensables.

Explications...

Rappelons que les mécanismes de compensation visent à créer dans les pays développés des droits à polluer en investissant dans des pays en développement. Le principe de la création de droits à polluer est le suivant : pourquoi n'aurais-je pas de droits supplémentaires à polluer chez moi, dans la mesure où je ferais des investissements pour réduire des émissions dans un pays où le marché du carbone n'existe pas. Par exemple, j'investis dans un barrage en Inde, j'évite là bas l'émission de 10 millions de tonnes d'émissions de CO2 par an, je récupère autant de droits à émettre chez moi. Il existe deux mécanismes de ce type dans le Protocle de Kyoto, on les appelles les mécanismes de flexibilité. Toutes les explications dans notre article sur le marché du carbone.

Et infidélité conjugale...

Les mécanismes de compensation sont remis en cause par nombre d'associations de protection de l'environnement qui y voient une excuse des pays développés pour ne pas diminuer leurs propres émissions. Les défenseurs de la compensation carbone défendent de leur côtés, que le système permet de réduire les émissions de CO2 au moindre coût pour la société. Pour expliquer la compensation le site Internet CheatNeutral transpose avec humour les mécanismes de la compensation à l'infidélité conjugale...